HISTOIRE DE LA SOUVERAINETÉ EN PROVENCE

Lors du démembrement de l'empire de Charlemagne au Traité de Verdun en 843,
la Bourgogne fut scindée en Bourgogne Transjurane et en Bourgogne Cisjurane
La Provence faisait partie de cette dernière.

Les débuts du grand fief connu sous le nom de Comté d'Arles ou de Provence sont enveloppés d'obscurité.

A la mort de Louis II le Bègue, BOSON (son oncle) qui gouvernait la Provence,
  se fit élire Roi d'Arles , de Provence et de la Bourgogne Cisjurane au concile de Mantaille (Drome) en 879.

Ses neveux lui disputèrent l'objet de cette usurpation.

BOSON, finalement vaincu, fit hommage de ses états à l'Empereur Charles III le Gros,
  qui avait rétabli sur sa tête la triple couronne de FRANCE, d' ITALIE et de GERMANIE.

C'est de là que viendront les prétentions de souveraineté des empereurs germaniques sur la couronne de PROVENCE.

Cette domination, bien que théorique ne pris fin qu'avec l'Empereur d'Allemagne Charles IV lorsqu'il accorda le titre et les pouvoirs de l'empereur romain sur le Royaume d'Arles et de Provence au Dauphin ( futur Charles VI ) en 1378

Cette suzeraineté de trois siècles et demi fut constamment contestée par les véritables administrateurs de la province : les Comtes de Provence...

 















 

La première maison de Provence : Les "BOSON"(916-1112)

BOSON (Ier) est considéré comme le véritable premier comte de Provence, bien que son règne soit contesté.
En 916, il aurait été l'homme tenant le fief du Comté d'Arles. (mais il ne faut pas le confondre avec le Roi usurpateur du même nom cité plus haut ).

C'est un de ses "parents", BOSON II qui lui succéda à sa mort (948?) : son autorité s'étendra des Alpes au Rhône et de la mer à l'Isère.

BOSON II avaient deux fils (Guillaume et Rotbald) et ce fut l'aîné qui lui succéda en 968 sous le nom de GUILLAUME (Ier) : surnommé le Libérateur, le Grand et le Père de la Patrie, il chassa les sarrasins qui débarqué vers l'an 890 dans le golfe de Saint Tropez étaient montés jusqu'au Dauphiné.
Après plusieurs victoires, il parvint à les anéantir dans leur forteresse du Fraxinet ( La Garde Freynet ?).
Il distribua ensuite les terres conquises au clergé et à ses officiers: c'est de là que date en Provence, plus tardivement qu'ailleurs en Europe, la féodalité.
  Il mourut en 992, sous l'habit monastique, entre les bras de Saint Mayeul, Abbé de Cluny.
Son fils, GUILLAUME II le Pieux, lui succéda, sans grande envergure, de 992-1018 .

A sa mort, ses deux fils, GUILLAUME III et GEOFFROY, gouvernèrent la Provence comme un fief indivis.
Mais à la mort de Guillaume III, en 1054, elle fut divisée en Comté de Provence et Comté de Forcalquier par le partage entre les divers héritiers.

Le fils de Geoffroy, BERTRAND, prit leur suite en 1063 et transporta sa résidence d'Arles à Tarascon.
Durant la lutte ouverte entre les Empereurs Germaniques et les Papes, Arles et Avignon proclamèrent leur indépendance.
Trois comtés se constituèrent alors :- Provence (Arles)
- Forcalquier
- Vénasque (Comtat Venaissin) (Avignon)
C'est sa soeur, GERBERGE, et le mari de celle ci, GILBERT, qui héritèrent du Comté.
Leur fille aîné, Etiennette, épousa le seigneur des Baux
  tandis que la cadette, Douce, se mariait avec Raymond-Bérenger, Comte de Barcelone, qui prit le titre de Comte de Provence en 1112.
La maison des Baux allait disputer à partir de ce moment le trône à celle de Barcelone.
 















 

La dynastie des Bérenger (1112-1130)
RAYMOND-BÉRENGER (Ier) fit la guerre au Comte de Toulouse, maître du Comté de Vénasque,
  et obtint en 1125 que le Rhône et la Durance forment la limite de leurs états avec Avignon en souveraineté indivise.
A sa mort en 1130, son fils cadet , BÉRENGER-RAYMOND (Ier) , hérita de la Provence.
Raymond des Baux prit les armes contre lui pour faire valoir les droits de sa femme, Etiennette.

Quand il fut tué à Melgueil en 1144, son fils RAYMOND-BÉRENGER II était alors trop jeune pour prendre sa suite.
La régence fut donc exercée par son oncle, Raymond-Bérenger de Barcelone dit le Vieux.
Ce dernier fut victorieux par trois fois (dont en 1156 et 1161) sur Raymond des Baux, inféodé à l'Empereur d'Allemagne, Conrad III.
Les châteaux des Baux et de Trinquetaille furent rasés mais lors d'un rapprochement avec l'Empire, il épousa Richilde, fille de Frédéric Ier Barberousse.
Il fut tué en 1166 au siège de Nice en ne laissant pas de fils et sa veuve se remaria avec le Comte de Toulouse.
ALPHONSE (Ier), fils de Raymond-Bérenger le Vieux, vint en Provence lutta durant dix ans contre la Maison de Toulouse.
Il imposa ainsi sa suzeraineté aux Comtés de Forcalquier, de Castellane et à Nice.
A sa mort en 1196, le Comté de Provence avait considérablement augmenté sa puissance.
C'est à partir de lui qu'en souvenir des princes Bérenger que le blason de la Provence portera les armes d'Aragon-Catalogne.
Son fils, ALPHONSE II lui succéda sur le trône tandis que la Catalogne et l'Aragon étaient confié à Pierre Ier , son frère.
Il eut à lutter contre la coalition des maisons de Toulouse, des Baux et du Viennois qui lui disputait le Comté de Forcalquier.
Quatre pals de gueules sur fond d'or
A la mort de son père en 1209 , RAYMOND-BÉRENGER III n'avait que neuf ans et ce fut donc son oncle, Pierre Ier d'Aragon, qui assura la régence.
C'est à cette époque que Pierre de Castelneau, légat du Pape envoyé dans le Midi pour lutter contre l'hérésie des Albigeois, fut assassiné à Trinquetaille le 8 janvier 1208.
Le Pape Innocent III accusa Raymond VI de Toulouse d'avoir préparé ce crime et appela les barons du Nord à la "croisade" contre les Albigeois dans laquelle Pierre Ier fut engagé, bien malgré lui, aux côtés du Comte de Toulouse...
Celle-ci durera de 1209 à 1229, lorsque la veuve du Roi de France (Louis VIII), Blanche de Castille signa le Traité de Paris avec Raymond VII de Toulouse.

Pour sa part, Raymond-Bérenger III s'était rangé sagement du côté du Pape et du Roi de France, conseillé en celà par son ministre Romée de Villeneuve.
A sa mort en 1246, il laissa par testament les Comtés de Provence et de Forcalquier à sa fille Béatrix, épouse de Charles d'Anjou (un des frères de Saint Louis).
 















 

La première Maison d'Anjou (1246-1382)

Egalement Roi de Naples et des Deux Siciles, CHARLES (Ier) était un homme à l'ambition démesurée pour qui la Provence n'était qu'un marchepied pour atteindre de plus hautes destinées.
Ayant acquis des droits sur l'Empire d'Orient, il acheta le Royaume de Jérusalem à la dernière descendante des Lusignan et fit partie de la 8ème Croisade où mourut Saint Louis.
En Italie, sa cruauté dans la victoire provoqua les terribles massacres de Palerme en 1282 ("Vêpres Siciliennes").

Pierre d'Aragon lui ayant pris la Sicile, il mourut à Foggia (Pouilles) en 1285.

Son fils, CHARLES II le Boiteux, lui succéda en titre mais prisonnier, il ne recouvra sa liberté qu'en 1288 grâce au Roi d'Angleterre, Edouard Ier.
Prenant la suite de son père à sa mort en 1309, ROBERT fut un roi sage, savant et libéral.
Il eût à lutter en Italie contre les prétentions de l'Empereur d'Allemagne, Henri VII, puis de Louis de Bavière.
Sa puissance s'accrut des revers de ses adversaires.
Père en Provence des conseils municipaux, il fut le protecteur éclairé des Arts et des Lettres (Pétrarque fut appelé à sa cour) .
Il mourut en 1343 et fut surnommé Robert le sage.

Sa petite-fille, JEANNE, Comtesse de Provence et Reine de Naples, vendit Avignon au Pape Clément VI pour 80.000 florins d'or en 1348.
Accusée du meurtre de son mari, André, elle se disculpa devant la cour pontificale.
Elle se remaria ensuite avec le prince de Tarente, puis avec Jacques d'Aragon et enfin avec Othon de Brunswick.

N'ayant pourtant eût aucun enfant de ses quatre unions, elle assura la succession de son Royaume d'abord au profit de son neveu Charles Duras,
  puis en faveur de Louis d'Anjou, second fils du Roi de France Jean II le Bon.
Assiégée dans Naples par son neveu spolié, elle se rendit avant l'arrivée de son fils adoptif .
Son neveu la fit étouffer entre deux matelas au château de Muro le 29 mai 1382 avant d'être lui même assassiné en 1386.
 















 

La deuxième Maison d'Anjou (1382-1481)

LOUIS(Ier) d'ANJOU remporta d'abord une grande victoire dans le Royaume de Naples puis abandonné par ses troupes, il mourut désespéré à Bari en 1384.

LOUIS II n'avait que huit ans à la mort de son père, c'est sa mère Marie de Blois qui exerça la régence.
Il fit lui même trois expéditions en Italie (1407,1409,1410).
Sous son règne, le Comté de Nice, Puget-Théniers et Barcelonette se donnèrent au Comte de Savoie.
  Il mourut à Angers en 1417.
Son fils, LOUIS III, continua la lutte en Italie contre Alphonse V d'Aragon,
  que Jeannelle (soeur de Ladislas de Hongrie) avait adopté comme héritier du Royaume de Naples.
L'héritier étant tombé en disgrâce, la chance paru un instant sourire aux Angevins mais pour peu de temps dans un éternel jeu de bascule favorisant tantôt les comtes de Provence tantôt ceux de Barcelone .

Quand il mourut en Calabre le 25 novembre 1434, son frère, RENÉ Ier, lui succéda ayant précédemment hérité du Comté de Bar et du Duché de Lorraine.
Mais le sire de Vaudemont et le Duc de Bourgogne le battirent et le firent prisonnier.
Il était donc captif quand il apprit la mort de son frère Louis, Comte de Provence et de Jeannelle, Reine de Naples.
Ayant chèrement racheté sa liberté, il se fit reconnaître Roi de Naples et lutta durant trois ans contre Alphonse V d'Aragon (1439-1441).
Assiégé dans Naples par son adversaire, il parvint à s'enfuir, rentra en Provence et mit son épée au service de son beau-frère, le Roi de France Charles VII, se trouvant parfois sur les même champs de bataille que Jeanne d'Arc.

Après la mort de sa femme Isabeau (Duchesse de Lorraine), il épousa Jeanne de Laval et se retira en Provence

tandis que son fils, Duc de Calabre, perdait à jamais le trône de Naples.

Dépouillé du Duché d'Anjou par Louis XI pour des raisons politiques, il se fixa à Aix.
Par son testament en 1474, il institua son neveu, Charles, héritier de ses Royaumes, Comtés et Duchés.
Son ministre, Palamède de Forbin, en le conseillant ainsi entrevoyait la possibilité de réaliser un projet cher à Louis XI rattacher la Provence à la couronne de France...

Quand il mourut à Aix le 10 juillet 1480, il fut regretté par tous ses sujets d'où le surnom de "Bon Roi René" qu'il est devenu pour l'histoire.
 















 

Maladif, CHARLES III du Maine ne succéda à son oncle que pour dix-sept mois. ..
Il testa à Marseille en faveur de Louis XI le 10 décembre 1481, toujours sur la recommandation de Palamède, et mourut le lendemain...

De cette dernière dynastie d'Anjou, la Provence conservera les armes d'Anjou-Provence, concurremment avec celles de la Maison d'Aragon-Catalogne des Bérenger.

Parti à dextre à une fleur de lys d'or sur Champ d'azur surmonté d'un lambel de gueules à trois pendants
à senestre quatre pals de Gueules sur fond d'or
L'héritier français et ses successeurs durent s'engager, en vertu du testament, à :

" Maintenir le Comté de Provence, celui de Forcalquier et autres terres adjacentes dans leurs liberté, coutumes et lois fondamentales ".

Ils tinrent généralement parole jusqu'en 1789 où le Comté de Provence rejoignit réellement le territoire de la France lors de la Révolution.

Bibliographie :
- E. DAVIN : Petite histoire de la Provence, 1942
- P. AUDIBERT : Histoire des comtes de Provence, Roi de Sicile e de Jérusalem, 1969


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