1) La situation d'origine (jusqu'en 1209)

L'affaire commence le 14 janvier 1208 lorsque le légat du Pape, Pierre de Castelnau, est assassiné à Trinquetaille, près d'Arles.
Pierre de Castelnau avait été envoyé auprès de Raymond VI de Toulouse dès Décembre 1203 pour lui demander d'extirper de son Comté l'hérésie cathare.
Bien que bienveillant à l'égard de celle ci, le Comte de Toulouse demeurait tout de même un fervent catholique.
Il obtint du légat une amnistie générale pour tous ceux qui abjureraient ou plus exactement qui "accepteraient de faire profession de foi catholique"...

En fait, même les vrais cathares mélangés à l'immense majorité catholique ne trahissaient pas ainsi leur foi puisqu'ils niaient la validité de ces serments....

Selon certains, le légat fut assassiné par un écuyer disgracié de Raymond VI qui espérait ainsi se racheter aux yeux de son maître.
Mais rien n'est moins sûr car le meurtre de Pierre de Castelnau sera la pire catastrophe qui ait pu arriver au Comte de Toulouse.

Entre ce meurtre et la décision d'Innocent III de lancer une croisade, il va tout de même s'écouler deux mois avant qu'il envoie une lettre circulaire aux évêques et aux principaux seigneurs de France dans laquelle il exposait les fait ( quelque peu partialement ) et portait de grave accusation contre le comte.

Déliant ses vassaux de leur serment de fidélité, il ordonnait "qu'on poursuive même sa personne pour extirper toute forme d'hérésie du pays"...
Il promettait également aux croisés "la rémission de leurs péchés et la pleine possession des terres dont ils s'empareraient".

Cependant dans cette même lettre, il laissait tout de même une possibilité de se racheter au Comte
  en lui promettant un "rude mais juste châtiment assortis à la promesse formelle de chasser l'hérésie de son Comté".

Adressant une lettre similaire au Roi de France, Philippe Auguste, le Pape ne reçu qu'un soutient mitigé du souverain
  car en proposant les terres du Comte aux croisés, il empiétait sur les droit de suzeraineté du Roi !

 

Cependant, Philippe Auguste était alors fort occupé par sa guerre contre les anglais et subordonnait son intervention à plusieurs conditions :
  une trêve avec Jean sans Terre,
  la contribution de l'église
  et surtout une preuve concrète de l'hérésie prétendue de Raymond VI lui permettant de le déposséder de ses fiefs...

Ce que le Pape ne pouvait, bien sûr, pas lui fournir...

Devant les forces en présence, Raymond VI ne pouvait qu'apparemment s'incliner.
C'est ainsi qu'après avoir remit en gage de bonne foi sept de ses forteresses à l'église (qui les garderait s'il trahissait son serment),
  il vint faire amende honorable à Saint Gilles le 18 juin 1209.
En chemise et pieds nus, il dut promettre d'obéir en tout point aux ordres du Pape et de son nouveau légat, Millon.

Humilié et repenti mais réconcilié en apparence avec l'église, il demanda et prit la croix se trouvant dans une situation assez inattendue puisqu'il se voyait ainsi obligé de lutter contre ses propres vassaux !

En fait, il fit preuve là d'une intelligence hors du commun puisque ses biens se trouvèrent ainsi sous la protection du Saint Siège.
Ayant de sérieuses raisons de croire que la Croisade durerait peu de temps et s'en prendrait principalement aux vicomtés des Trencavel ( plus touchées par l'hérésie), il imaginait que les sièges de trois ou quatre villes suffiraient à calmer l'ardeur des barons du Nord.

Malheureusement la chute de Béziers et l'ardeur au combat de l'abbé de Citeaux, Arnaud Amalric, vinrent perturber tous ses espoirs...

 

2) La croisade (1209-1211)

Raymond-Roger Trencavel, alors maître des quatre vicomtés, était resté orphelin à l'âge de cinq ans.
Son tuteur, Bertrand de Saissac, était cathare et sous son administration l'hérésie avait prospéré.
Mais même les fervents catholiques vivaient en bonne intelligence avec les cathares.

Raymond-Roger, indulgent et libéral, ne se sentait pas fautif et ne prit conscience que tardivement des dangers le guettant préoccupé qu'il était à conserver son indépendance face à son oncle Raymond VI de Toulouse.

Pensant lui aussi que le serment de Saint Gilles arrêterait la Croisade, il prit conscience un peu tard que son oncle le sacrifiait.
Les seuls atouts qui lui restait étaient quelques forteresses comme Béziers ou Carcassonne mais sa situation devenant de plus alarmante,
  il songeât lui aussi à demander son pardon à l'église.

Tandis que Raymond VI guidait de manière "exemplaire" les croisés venus du nord sur les terres des Trencavel,
  des croisés venus de l'est suivirent un tout autre chemin.
Ils occupèrent ainsi sans problème Puylaroque et Tonneins avant de se heurter à une résistance plus importante mais de courte durée hélas à Casseneuil et à Villemur où "ils condamnèrent maints hérétiques à être brûlé et ayant terminé leur quarantaine, ils ne crurent pas utile de rejoindre le gros de l'armée".
Or ces deux derniers châteaux n'étaient pas sur les terres des Trencavel mais sur celle du Comte de Toulouse qui ignorait alors tout de cette croisade "parallèle"...

Quand les croisés, avec Raymond VI à l'avant garde, arrivèrent à Montpellier, ville catholique dont le Roi d'Aragon était vicomte,
  Raymond-Roger se précipita à la rencontre d'Arnaud Amalric pour implorer son pardon mais en vain.

Il galopa alors d'une traite jusqu'à Béziers dont il s'assura des défenses qu'il confia aux bourgeois de la ville leur promettant des renforts éventuels avant d'aller se réfugier à Carcassonne qui était pourvue d'excellents remparts et où il avait rassemblé ses meilleures troupes.

 

Son plan était simple :
Béziers pouvait déjà soutenir un long siège lui permettant de retarder suffisamment la croisade pour que leur quarantaine finie les barons du nord retourne chez eux sans avoir même attaqué Carcassonne qui était au centre de ses états.

La suite des événements allait hélas lui donner tort.

Les croisés quittèrent Montpellier le 20 juillet 1209 et prirent la route de Béziers, distante seulement de 60 Km pour l'assiéger.
Dès que les croisés furent signalés, l'évêque de la ville, Renaud, s'en vint trouver Arnaud Amalric pour connaître ses intentions afin de les rapporter à la population.
Celles ci étaient claires : les biterrois livraient les cathares encore présents dans la ville ou celle ci était rasée....

Mais les habitants ne virent pas les choses ainsi et l'évêque quitta la ville accompagné par un certain nombre de catholiques par peur des représailles ( d'un côté comme de l'autre).
Le siège fut donc établi, les uns comme les autres pensant qu'il serait de courte durée.
Une attaque audacieuse mais téméraire des assiégés permit une contre-attaque des croisés
  dont les ribauds (valets d'armes) massacrèrent la population et mirent le feu à la ville.
Les paysans des campagnes environnantes allèrent en grande partie se réfugier à Carcassonne
  où le vicomte de Trencavel ne pouvait leur refuser l'asile malgré leur grand nombre.

Les croisés ne se reposèrent que trois jours avant de se diriger sur Carcassonne à 70Km de là.
A leur passage, pour éviter de subir le sort de Béziers, les autorités de Narbonne prirent les devants en venant faire leur soumission et en usant de mesure coercitive à l'égard des cathares, des vaudois mais aussi des juifs.
Devant une telle "bonne" volonté, l'église ne pouvait que placer la ville sous sa protection.

Les députés de Narbonne furent cependant surpris de trouver à la tête des croisés, Raymond VI qui aidait les "français" à massacrer son propre peuple...

Sa présence égarait les esprits et faisait ressortir les désunions car fallait-il suivre son exemple ou résister comme le jeune Trencavel ?

 

En fait, nul ne sait ce que pensait vraiment le comte de Toulouse : aimant ses sujets malgré leur indocilité, il avait un jeu très difficile à jouer car il devait donner des garanties suffisantes à l'église tout en protégeant ses domaines.

Pendant ce temps là, Raymond-Roger achevait ses préparatifs à Carcassonne renforçant les remparts avec des matériaux issus de la destruction de bâtiments appartenant à l'église d'où une indignation accrue des croisés.
Le jeune Trencavel était en fait sur la défensive car il ne prévoyait de sortie que pour défendre les points d'eaux qui se situaient, hélas pour lui, hors des remparts !

Après deux jours et deux nuits de repos, les croisés attaquèrent la ville le 3 août au matin.
Le bourg, dégarni de troupes, car indéfendable en soit mais dominé par les remparts donc à portée de flèches, fut pris en deux heures et incendié.
Cela n'entama en rien le système défensif mais on parla alors pour la première fois d'un chevalier se distinguant par son intrépidité : Simon de Montfort.

Malgré ce demi-succès des croisés, Raymond-Roger les laissa occuper la rive gauche de l'Aude et par là même ses principaux points d'eaux.
En fait, il attendait l'arrivée imminente de son nouveau suzerain le Roi d'Aragon Pierre II en tant que médiateur.

Ce dernier reçu l'autorisation de pénétrer dans Carcassonne pour rencontrer le vicomte et obtint de celui ci de négocier sa reddition. Mais les conditions trop dure de celle-ci firent échouer cette médiation et le siège continua .

Le 7 août, le "Castellar", au sud de la cité fut attaqué à son tour et tomba mais seulement après huit jours de "bombardement intense d'artillerie" ( composée à l'époque principalement de pierriers, trébuchets et autres catapultes du même style ) et des pertes humaines importantes des deux côtés.

Les croisés envoyèrent alors un messager accompagné d'une escorte de trente hommes pour parlementer.
Celui-ci fut reçu par le vicomte et cent de ses chevaliers hors des murs car la situation de la cité était déjà désespérée.

On proposa à Raymond-Roger une reddition honorable :
Tous les habitants ( y compris les éventuels hérétiques) quitteraient la ville sans armes ni bagages tandis que lui resterait otage pendant l'évacuation.

 

Bien entendu, son peuple parti, il fut jeté dans une prison ce qui ne laissait rien présager de bon sur son sort.

Suspecté d'hérésie mais non encore reconnu comme hérétique, Raymond-Roger se trouvait dépossédé de fait même si seul le Roi de France en avait le droit.

Cependant Arnaud Amalric ne s'encombra pas longtemps de telles considérations puisqu'il finit par investir des quatre vicomtés un baron d'Ile-de-France : Simon de Montfort, qui n'accepta qu'à la seule condition d'être secouru en cas de péril car la quarantaine prenant fin, beaucoup de chevaliers parlaient déjà de s'en retourner chez eux les poches pleines et l'âme en paix.

Bien qu'il ne lui reste plus que peu de troupes, Simon de Montfort repris tout de même l'offensive pour occuper Alzonne, Fanjeaux et Montréal utilisant pour cela et malgré l'interdiction de l'église, des routiers.

Ne s'arrêtant pas en si bon chemin, il prit Limoux et mit le siège devant Preixan .

Or cette dernière bastide appartenait en fait au comte de Foix qui vint en personne avec une faible escorte pour faire sa soumission pensant lui aussi que la fin de la quarantaine mettrait Simon de Montfort en difficulté.
Mais ce fut une fois de plus une évaluation erronée de la situation puisqu'en peu de temps et toujours à l'encontre du droit, Simon de Montfort s'empara de la plupart des possession du comte de Foix ( à l'exception de la bastide de Preixan que celui ci reprit mais qui était en fin de compte de moindre importance).

La campagne s'acheva donc avec l'arrivée de la mauvaise saison sur des succès incontestables.

Cependant, Simon de Montfort ne conservait que fort peu de troupes pour se défendre au milieu d'un pays un peu trop rapidement soumis pour qu'on ne redouta pas un soulèvement.
Un rassemblement des forces des seigneurs du Languedoc eût sans aucun doute pu permettre une reconquête rapide des quatre vicomtés.
Raymond VI y pensa probablement mais son autorité était encore trop contestée et les autres seigneurs bien que s'apitoyant un peu sur le sort de Béziers et des Trencavel pensaient avant tout à eux même.
Une occasion inespérée se présentait mais nul ne sut la saisir...

 

La mort de Raymond-Roger le 10 Novembre 1209 augmenta encore la haine du peuple envers Simon de Montfort qui fut accusé de l'avoir assassiné.
En fait, ce fut plus la maladie et les mauvais traitement qui eurent raison de ce jeune homme de vingt cinq ans seulement !

La disparition du vicomte amena une rencontre entre Simon et la vicomtesse Agnès sous le patronage de Pierre II d'Aragon le 24 Novembre à Montpellier.
La vicomtesse signa un acte par lequel elle renonçait au profit de Montfort et de ses descendants à tous ses droits sur les vicomtés des Trencavel mais aussi à son propre douaire contre 25000 sols melgoriens et une rente annuelle de 1000 sols .

En droit, elle ne pouvait ainsi déposséder son fils ce qui laissait à celui ci toute possibilité de contester cet acte par la suite.

Suivant quelque peu cette idée et ne voulant pas se retrouver dans la situation d'un protecteur, Pierre II, véritable suzerain des quatre vicomtés, refusa l'hommage de Simon.

Bien que s'abritant sous le voile de la religion pour affirmer son autorité, Simon depuis son élection comme vicomte ne menait que des activités purement politiques, l'église ne pouvant faire autrement que d'utiliser ses services et par là augmenter son ambition.

Les soulèvements provoqués par de petits seigneurs du Minervois créèrent une situation d'insécurité croissante si bien qu'à la fin de 1209, il ne lui resta plus que les villes de Carcassonne, Béziers, Albi, Saverdun, Pamiers et Limoux ainsi que les châteaux de Saissac et Fanjeaux : tout le reste était retombé aux mains des hérétiques.

Cependant, Simon ne s'inquiétait guère car les nouvelles lui parvenant de toutes parts lui annonçaient des renforts pour le printemps : il lui suffisait de tenir jusque là !

Le comte de Toulouse se trouvait alors dans une situation encore moins confortable.
  Ayant donné en pure perte des gages aux croisés, il s'était compromis aux yeux de son peuple...
Prenant pour sa part le catharisme pour " une simple interprétation différente des écritures", il ne croyait pas avoir à punir une simple divergence d'opinion.

Comme à la fin du mois d'août 1209, tout allait au mieux entre lui et Simon, il ne prolongea pas sa quarantaine à Carcassonne et retourna à Toulouse...

 

Il ne violait en rien la coutume féodale mais son comté cessait de ce fait d'être sous la protection de l'église !

Ce que Arnaud Amalric et les autres légats attendaient car à peine fut-il à Toulouse qu'une députation se présenta à lui de la part de Simon de Montfort "chef de la croisade" pour le demander de livrer aux croisés les hérétiques encore présents dans la ville.

Raymond VI et les consuls de la ville protestèrent contre cette mise en demeure car le pape l'ayant absout, ils la considéraient comme illicite.
Dans un certain sens, elle l'était car s'il restait des hérétiques, ils dépendaient de la seule juridiction de dépendaient de la seule juridiction de l'évêque.
Il menaça même de faire appel à Innocent III.

Cela ne fit que précipiter les choses. Arnaud Amalric excommunia les syndics et jeta l'interdit sur Toulouse.

Le cas du comte devant être traité avec un minimum de prudence, il en saisit le concile d'Avignon.
Le dit concile finit par excommunier Raymond VI parce qu'il n'avait pas tenu ses promesses de Saint-Gilles tout en lui laissant une fois de plus un délai pour se racheter.

Arnaud Amalric, inquiété par les menaces du comte, pris cependant la précaution de faire envoyer au pape un rapport mêlant le faux au vrai sur Raymond VI.
Ce denier ne fut cependant pas très impressionné par ces décisions à son encontre.
Il se prépara à partir pour Rome et prit des dispositions pour assurer la régence en son absence ( le futur Raymond VII n'ayant alors que 12 ans ).

Il rédigea un testament qui établi une succession particulière.
 S'il venait à mourir, son fils Raymond le jeune hériterait.
Si celui ci mourait, son frère Baudouin hériterait.
Et si Baudouin mourait, le comté reviendrait... au Roi de France, Philippe Augusteet le marquisat de Provence à l'Empereur Othon (qui en était suzerain).

Le retour du Languedoc à la France était donc inscrit dans cet acte de 1209 !

En fait en faisant ainsi, Raymond VI évitait à tout prix que Simon de Montfort mit la main sur le comté, et à travers lui, l'église.

 

Son voyage à Rome n'eut pas le succès qu'il espérait.
Bien qu'il suspendit les mesures en cours, le pape lui reprocha son attitude ambiguë.
Mais Innocent III sembla aussi aller dans son sens en demandant à Arnaud Amalric un peu plus de mesure dans ses actes :
  L'ambiguïté des attitudes semblait alors être de mise !
Au printemps 1210, avec le retour des beaux jours, les croisés affluèrent à nouveau dans la région .
Bien qu'ayant un effectif moindre que durant la campagne précédente, Simon de Montfort disposa alors de suffisamment de troupes pour continuer la croisade et atteindre le but qu'il s'était fixé : Réduire les forteresses montagnardes de Minerve, Termes et Cabaret.

Après un siège de plus d'un mois, Minerve tomba faute de provisions et les nombreux cathares qui s'y trouvaient périrent sur le bûcher...

Le siège de Termes dura un peu plus de temps mais s'acheva lui aussi de la même manière.

La campagne de 1210 s'acheva donc sur un résultat assez positif pour les croisés puisqu'il ne restait plus qu'un seul château libre dans la montagne : Cabaret.

Pendant ce temps là, Raymond VI eut fort à faire à Toulouse.
Tout d'abord, il du lutter contre l'influence croissante de l'évêque Foulques qui avait formé une milice armée décidée à persécuter juifs et cathares.
Ces derniers avaient aussi créé leur milice, ce qui maintenait une certaine agitation dans la ville.

Il eût ensuite à se justifier face au concile d'Avignon.
Devant les nombreux pièges qu'on lui tendit, il résista toujours à la tentation de sauver son comté en sacrifiant les cathares et ses vassaux.

Mais l'ultime provocation d'Arnaud Amalric lui ordonnant d'expulser les cathares hors de ses terres et de partir en Terre Sainte en guise de pénitence eût finalement raison de sa prudence.

Décidé à résister désormais par la force, il mobilisa ses vassaux et s'enferma dans Toulouse.

 

3) La conquête (1211-1215)

Le seigneur de Cabaret avait la chance de détenir prisonnier Bouchard de Marly, l'un des meilleur lieutenant de Simon de Montfort.

En fin stratège, il comprit vite qu'il avait avantage à se servir de celui ci comme monnaie d'échange et à conclure un accord en se rendant plutôt qu'en résistant.
N'ayant rien à se reprocher au fond ( si ce n'est quelques réfugiés cathares qu'il se dépêcha d'évacuer !), il rendit sa forteresse en échange de la promesse formelle qu'il soit lui et ses hommes amnistiés et qu'il obtienne des terres équivalentes.
Bien qu'il ne l'aime pas, Simon ratifia cet accord car pour lui le plus important était de tenir enfin cette forteresse qui plus est sans avoir perdu aucun homme.

Ayant conquis ainsi Lastours, Simon s'attaqua à Lavaur.

Ancienne possession des Trencavel, cette place forte était passée sous la suzeraineté de Toulouse.
Tous les réfugiés cathares des places fortes conquises par les croisés s'y étaient réfugiés sous la protection de Guiraude de Laurac, croyante notoire.

Simon de Montfort ne put investir qu'une partie de la ville.
Les troupes de Raymond VI, appelé en renfort par sa vassale, investirent l'autre partie mais n'attaquèrent pas le camps des croisés.
Le comte de Toulouse, s'enfermant de plus en plus dans son double jeu, vint alors parlementer en vain avec Simon de Montfort avant de retourner dans sa capitale se contentant d'entraver l'approvisionnement des croisés.

Ayant un pied dans chaque camp, il ne pouvait empêcher la milice de Foulques d'envoyer cinq mille hommes soutenir Simon.
Mais revenu en ville, il chassa l'évêque qui rejoignit contraint et forcé les croisés.

Lavaur finit par tomber le 3 mai 1211 !
Aimery de Montréal et quatre-vingt chevaliers faidits furent exécutés, Dame Guiraude de Laurac considérée comme hérétique fut jetée dans un puits et lynchée, les trois à quatre cent cathares périrent sur le bûcher, les troupes de Raymond furent conduites à Carcassonne pour y être emprisonnées.
Seule la population catholique fut réellement épargnée et encore elle dut prêter collectivement serment à l'église et fut soumise au pillage...

 
La prise de Lavaur produisit l'effet escompté en provoquant un vent de panique sur le comté de Toulouse.
Mais une partie des croisés pliaient déjà bagage leur quarantaine finie car ils se souciaient fort peu d'attaquer Raymond VI et commençaient à soupçonner les pieuses ambitions de Simon de Montfort.
Heureusement pour lui, les départs étaient rapidement remplacés par l'arrivée de nouveaux contingents qui lui permirent de conquérir peu à peu tout le Lauragais.

Pendant ce temps là, Raymond VI ne réagissait pas ou presque et espérait attirer la Croisade jusqu'à Toulouse où elle se casserait les dents.
Seul château verrouillant encore l'accès à Toulouse, Montferrand avait été confié à Baudoin, frère de Raymond, qui devait en fait désapprouver la politique de son aîné à l'égard des hérétiques et comprenait mal son attitude ondoyante.

On comprend ainsi qu'après une résistance de pure forme, Baudoin rendit la forteresse et prit le parti des croisés.
Les citadelles entourant Toulouse tombant les unes après les autres, le plus souvent par suite du repli de leurs troupes, la capitale du Comté devint le point de ralliement de tous les fugitifs.

Jamais Raymond VI n'eût plus d'hommes décidés à se battre mais qui plaçaient en lui leur ultime espoir.

On était alors en juin 1211 et Simon en s'avançant sur Toulouse pensait encore pouvoir clore cette chevauché en s'emparant de la ville.
Ayant reçu en renfort un contingent allemand, il espérait ainsi en finir avec Raymond VI en le dépossédant de sa capitale.

Les consuls de la ville, pensant avoir prouvé leur bonne foi, tentèrent une ambassade auprès des croisés mais les exigences de ceux ci (expulsion du comte) les indignèrent et les firent tous passer dans le camps de Raymond (catholiques comme cathares).

Le premier siège de Toulouse commença le 16 juin 1211.

En fait, la ville était très bien défendue par six kilomètres d'enceintes doubles flanquées d'une cinquantaine de tours, percées de douze portes et articulées autour du château comtal.
De plus toute la population était prête à se battre enfin contre les "français" et même les femmes qui, si elles ne pouvaient aller à l'offensive, étaient des archers et des arbalétriers habiles !

 
Raymond, le comte de Foix et leurs vassaux tentèrent plusieurs sorties sans succès décisif et ce fut presque par hasard sur une attaque téméraire du camps des croisés par Hugues d'Alfaro et ses routiers que ceux ci se décidèrent à plier bagage le 29 juin.

Ce fut le premier échec de Simon de Montfort.

Fort de cette victoire, les consuls envoyèrent une ambassade à Pierre II pour lui démontrer la mauvaise foi des légats et en lui demandant de prendre enfin parti.
Dans le même temps pour se venger, Simon s'en prit au comté de Foix déserté sans toutefois parvenir à s'emparer de la ville.

La bataille autour de Castelnaudary sembla un moment confirmer l'avantage du comte de Toulouse mais Simon de Montfort resta finalement maître du terrain.

Après de nombreuses péripéties, à la fin de 1212, Simon de Montfort, déjà maître des quatre vicomtés Trencavel, a fini par conquérir le Toulousain, le Rouergue, le Quercy, l'Agenais, une partie du Comminges et a réduit le comté de Foix à la défensive.

Pour sa part, Raymond VI, coupé de son marquisat de Provence, ne possède plus que Toulouse et Montauban et voit ses ressources baisser de jour en jour.

Devant cette situation, les légats demandèrent au pape de transférer le Comté à Simon.
Innocent III fit alors preuve de "sagesse" en refusant car non seulement, ceux ci ne lui avaient toujours pas prouvé la culpabilité du comte mais de plus, même si celui ci avait été coupable, sa faute ne pouvait en aucun cas retomber sur son fils.

En fait, le pape avait peur d'irriter Philippe Auguste et entendait désormais connaître toute la vérité sur cette affaire.

Le coup fut rude pour Arnaud Amalric et Simon de Montfort car il remettait tout en cause :
  aussi bien l'excommunication illégale et tardive de Raymond VI que la conquête des vicomtés Trencavel !
Ils décidèrent donc de poursuivre leur entreprise et de mettre le pape devant le fait accompli !
  Simon maître de Toulouse, qui pourrait lui en refuser la souveraineté ?

Se sentant suffisamment fort à présent, Simon fit "élire" une commission législative afin de donner un statut réel à ses "possessions" ( Statuts de Pamiers, 01/12/1212 ) en s'appuyant sur la coutume de Paris et en visant à " franciser " à terme tout le Languedoc.

 
A la fin de l'année 1212, Raymond VI passa les Pyrénées pour demander à Pierre II d'intercéder en sa faveur auprès du pape. Celui ci reçu l'ambassade du roi d'Aragon avec d'autant plus de bienveillance qu'il doutait de plus en plus du désintéressement de Simon de Montfort.
Il demanda donc à ses légats dans des lettres datées de janvier 1213 de réunir un concile devant lequel Raymond VI pourrait enfin se justifier en toute équité.
Hélas, ces lettres mirent plusieurs mois à parvenir à leurs destinataires...

Durant cette ambassade, les légats organisèrent un tel concile mais pas tout à fait avec le même objectif :
  Raymond VI , appelé pour se justifier, serait condamné à coups sûr mais cette fois ci dans les règles.
Grâce à l'intervention de Pierre II qui se fit l'avocat du Comte de Toulouse, les débats traînèrent suffisamment pour que les légats reçoivent les lettres du pape.

La position plus tempérée du pape à l'égard du comte l'amenait à demander la clôture de la croisade et la restitution de ses biens à Raymond VI les surpris quelque peu mais ils se reprirent assez vite et lui envoyèrent rapidement une ambassade qui une fois de plus sema le doute dans son esprit.
Après avoir reçu le témoignage ambigu de la Reine d'Aragon, pieuse catholique répudiée par son époux, il se déjugeât subitement le 21 mai et annula toutes ses décisions précédentes.
Il avertit également Pierre II de rompre immédiatement ses engagements envers Raymond sous peine de subir les mêmes sanctions.

Sa seule concession fut d'envoyer un légat de plus en Languedoc !

Bien qu'il n'eût pas réussit, Pierre II fut fêté à Toulouse comme un héros.
Il accepta de prendre la ville et le comte sous sa protection à condition qu'ils lui prête hommage ce qui fut fait le 27 janvier.

Ce serment avait de graves conséquences pour l'avenir puisque ainsi Raymond comme Simon se retrouvaient ses vassaux.
Il pouvait les empêcher de se battre ce qui pouvait paralyser Montfort et même en cas de rébellion lui retirer son fief.
Bien que son initiative soit risquée ( le Comté de Toulouse dépendant toujours de Philippe Auguste mais celui-ci était loin de là), elle lui permettait ainsi d'avoir toutes les cartes en mains.

Le Roi de France devant les revirements continuels d'un pape qu'il n'aimait guère préféra ne pas se mêler du conflit, empêcha son fils Louis de se croiser et bloqua même le recrutement de renforts car il avait besoin de troupes pour ses guerres à lui.

 
Mais Simon ne tomba pas dans ce piège aussi facilement et rompit son hommage.
Se retrouvant alors face à un adversaire plus rude que Raymond VI, il ne fut cependant pas effrayé puisque selon lui :
  il se battait pour l'église et Pierre II pour les hérétiques".

De nombreuses escarmouches sans effet décisif mirent à mal le moral des croisés.
Pour redonner du courage à ses troupes, Simon décida alors d'armer chevalier son fils Amaury lors d'une cérémonie grandiose
  et de lui donner en apanage les terres conquises en Gascogne et dans le Comminges.

Profitant que Simon accompagnait justement son fils pour que celui ci prit possession de ses territoires, Raymond VI s'empara de Pujols et emmena ses prisonniers à Toulouse.
Mais le massacre de ceux ci par les habitants de la ville ne fit qu'augmenter la fureur des croisés.

La haine des deux camps atteignait son paroxysme.

Avec difficulté, Pierre II parvint à recruter des troupes pour venir en aide au Comte de Toulouse et arriva le 8 septembre devant Muret.
Après quelques jours d'une attente indécise, Simon passe à l'attaque et écrase les aragonais.
Parmi les nombreux morts des deux camps, se trouva Pierre II, Roi d'Aragon, qui laissait comme héritier un enfant...

Simon de Montfort aurait pu alors se précipiter sur Toulouse et capturer le Comte et son fils.

Il s'abstint et resta à Muret...

Raymond VI, pour sa part accablé par cette défaite, décida de se sacrifier pour sauver Toulouse et partit avec son fils pour un exil de plusieurs mois en Angleterre.

Simon quitta alors Muret où les consuls de Toulouse négociaient âprement avec les légats leur soumission.
Il se désintéressa momentanément des affaires de l'église pour s'occuper des siennes en ravageant tour à tour le Comté de Foix, le Comté de Comminges, et de nombreuses autres villes.

 

En février 1214, Raymond VI revint d'Angleterre et rentra dans Toulouse.
Au même moment, son frère Baudoin tomba dans une embuscade et fut pendu à Montauban après un procès sommaire pour faire un exemple.
Simon en fut fort peiné mais il avait d'autre préoccupation en tête à cet instant car Narbonne, naguère neutre, s'alliait à présent avec les aragonais pour réclamer le retour de l'infant d'Aragon à présent roi que Montfort détenait en otage.

Simon les attaqua mais faillit être pris...
Sauvé de justesse, il décida de mettre le siège devant la ville.

Ce fut le Cardinal de Bénévent qui l'en empêcha.
Nouveau légat du pape, il avait été muni par celui-ci des pleins pouvoirs et agissait en son nom.

Simon de Montfort comprit bien alors qu'Innocent III , après s'être servi de lui, le rejetait et voulait arrêter la croisade.
Les intentions du pape semblaient à présent claires :
Il voulait réconcilier tous ceux qui manifesteraient le désir de revenir dans le giron de l'église quelle que soit la gravité de leurs fautes et prendre des garanties pour maintenir la paix en attendant qu'un concile examine le problème des restitutions.

Après les comtes de Foix et de Comminges (18 avril) et les consuls de Toulouse (25 avril), Raymond VI comparut devant le légat et par une quasi-abdication accepta de se soumettre à l'église en laissant son comté à son fils.

Simon de Montfort fut déçu et regretta amèrement de ne pas s'être emparé de Toulouse après Muret pour mettre le pape devant la fait accompli.

Au printemps de nouveau contingents arrivèrent mais ce ne fut que pour effectuer des opérations de police envers les seigneurs qui, après s'être ralliés, avaient trahis

Simon finit par prendre la place forte de Casseneuil que le Roi d'Angleterre avait promis de secourir mais il était alors occupé à Bouvine !
Il pénétra ensuite dans le Périgord sous couvert d'un prétendu mandat royal qui n'existait que dans son esprit car il se comportait déjà comme s'il avait été le comte de Toulouse !
L'automne mit fin à cette campagne conduite en violation de la paix prescrite par Innocent III.

 

Début 1215, Robert de Courçon, nonce auprès de la cour de France, invita l'archevêque de Narbonne à convoquer un concile à Montpellier en agissant de sa propre autorité.
Le cardinal de Bénévent, de retour d'Aragon, arriva juste à temps pour le présider mais était mis devant le fait accompli.
Ce concile finit par élire Simon de Montfort comme comte de Toulouse mais le Cardinal de Bénévent refusa de l'investir car la décision finale devait être prise par le Pape lui même.

Déçus, les évêques envoyèrent une ambassade à Rome pour inviter le pape à se prononcer en faveur de Simon pensant que le vote de Montpellier l'influencerait.

Après le concile, le Cardinal de Bénévent continua sa tâche en essayant de placer le Languedoc en partie sous la domination de l'église en partie sous l'autorité de Simon.
Raymond et sa famille durent quitter le Palais comtal où l'évêque Foulques s'installa en triomphateur au grand dépit de Simon.

Ce fut alors que le Prince Louis, fils aîné du Roi de France, annonça son arrivée accomplissant tardivement son désir de prendre la croix.
Bien que la guerre soit finie, il venait intervenir sur l'ordre de son père à présent que Raymond VI était à genoux pour faire sentir la prééminence royale.
Sa quarantaine en Languedoc ne fut qu'une promenade militaire car la simple vue de la bannière des lys suffisait à calmer les esprits.

En fait, si Simon devait détenir le Comté de Toulouse un jour, ce serait des mains du Roi et non de celles du Pape !

Le retour de la délégation envoyée à Rome amena une surprise pour le Cardinal de Bénévent car le Pape désavouait partiellement sa politique par trois bulles (datée du 2 avril 1215).
Celui ci en effet avait compris la manoeuvre de Philippe-Auguste et ne pouvait plus se permettre de le défier à présent qu'il était le monarque le plus puissant d'Europe.
Après tant d'années d'efforts, tout ce qu'obtenait Simon de Montfort était la gérance du Comté de Toulouse, un usufruit de quelques mois en attendant une décision du Concile Général.

Raymond VI n'attendit pas Montfort : il envoya son fils en Angleterre et se réfugia lui même probablement en Aragon..

 
Les occitans parurent s'accommoder de ce nouvel ordre "français" mais regrettaient en silence l'ancien comte.
Le concile du Latran qui se tint à partir du 11 novembre 1215 eût pour buts
"d'extirper l'hérésie, les vices, les abus de toutes sortes,
de redéfinir la doctrine pour fortifier la foi,
de mettre un terme à toutes les querelles afin de restaurer l'unité du peuple chrétien...".

Vaste programme !

Raymond VI et son fils, accompagnés des comtes de Foix et de Comminges et par les représentants des seigneurs dépossédés, arrivèrent bien avant l'ouverture des débats.
Simon de Montfort s'y fit représenter par son frère Guy.
Les Rois de France et d'Angleterre étaient également représentés.

Le Pape avait enfin pris conscience que la croisade avait été déviée de son but car elle avait été prêchée pour abattre la contre-église cathare et non pour permettre à Simon de s'enrichir en devenant comte de Toulouse !

Innocent III se déclara donc favorable dès le début à la restitution de ses terres à Raymond VI, qu'il jugeait bon catholique malgré ses faiblesse, et à l'attribution définitive de vicomtés Trencavel à Simon, tous deux restant vassaux du Roi de France bien qu'investis initialement de leurs fiefs par le Saint Siège.

Après des débats houleux et passionnés, le Pape rendit enfin sa sentence le 14 décembre 1215 :
- Tous les domaines conquis avec les villes de Montauban et de Toulouse
(sauf droits des catholiques, des femmes et des églises) seraient attribués à Simon de Montfort.
- Le Comte de Foix obtiendrait la restitution, conditionnelle, de son Château
- Raymond VI recevrait une pension de 400 marcs d'argent et devrait quitter son Comté.
- Sa femme conserverait ses domaines propres.
- Le jeune Raymond obtiendrait les possessions provençales des Saint-Gilles mais l'imprécision touchant à ses biens serait génératrice de conflits...

 

Rendant cette sentence à contrecoeur, le Pape tenta restreindre les effet non religieux de la croisade.
Gardant auprès de lui quelques temps celui qui devenait Raymond VII, il lui révéla quelque peu le fond de sa pensée en espérant qu'il serait sa revanche posthume.

Simon en apprenant cette décision fut pour le moins déçu.

Bien qu'il fut enfin nommé Comte de Toulouse, le marquisat de Provence, dont les limites exactes n'était pas fixées, et le comté de Foix lui échappaient.
Décidé à se venger, il récupéra le titre ducal de Narbonne dont Arnaud Amalric, son ancien allié, s'était indûment emparé.

Revenu à Toulouse, il était vraiment le successeur des anciens comtes.

Il partit à Paris au cours du mois de mars 1216 pour faire confirmer par le Roi la décision du Pape.
Le sort du Languedoc fut ainsi scellé car le Roi engloba dans un même grand fief le Comté de Toulouse et les anciennes possessions des Trencavel, qui échappaient ainsi à la suzeraineté du Roi d'Aragon.

Si l'on considère la quasi-indépendance dont jouissait l'Etat occitan sous Raymond,

on peut dire sans exagération que le Roi faisait ainsi rentrer le Languedoc dans la mouvance française.

4) La reconquête (1216-1224)

Un soulèvement général du Languedoc derrière Raymond VI revenu d'exil dès 1216 (on préférait mourir que de vivre sous le joug du nouveau comte) lui permit de reconquérir peu à peu une grande partie de son comté.

Mais l'arrivée de renforts aida Simon à reprendre l'offensive en 1218.
C'est en faisant une fois de plus le siège de Toulouse qu'il mourut le 25 Juin atteint par une pierre
  ( provenant selon la légende d'une machine manipulée par des femmes...)
Son fils, Amaury, lui succéda et tenta en vain de continuer son oeuvre mais peu à peu, tous le Comté se ralliait à Raymond VII.

L'extermination des croisés à Carcassonne en 1219 plaça Amaury dans une situation presque désespérée.
Honnorius III, qui avait succédé à Innocent III à la mort de celui-ci en 1216, prêcha une nouvelle croisade confondant une fois de plus comme son prédécesseur, hérésie et juste combat pour l'indépendance.
C'est grâce à cette providentielle croisade et à l'arrivée de l'avant garde du prince Louis qu'Amaury de Montfort fut sauvé.
En intervenant dans le conflit, le Roi de France donnait l'apparence de soutenir son vassal mais surtout il se plaçait comme arbitre entre les belligérants.

Les troupes royales firent subir à Marmande le sort qui fut naguère celui de Béziers.
Le prince Louis n'ordonna pas le massacre mais il laissa froidement égorger cinq mille personnes !
Après cela, la croisade se dirigeât glorieusement vers Toulouse où le siège qui dura quarante-cinq jours fut un échec sur lequel le prince Louis se retira après qu'on eût échangé les prisonniers.

Raymond VII récompensa la ville qui avait beaucoup souffert par des exemption d'impôts.
Il ne voulut pas (à tort ?) négocier en position de force avec le prince Louis car il se voulait Roi dans son royaume du Midi à l'images de ses aïeux...

Cela était-il encore possible ?

Jusqu'en 1222, Raymond VII augmenta peu à peu l'étendue de ses domaines aux dépends d'Amaury qui se retrouva finalement dans la situation de Raymond VI avant le concile de Latran.

 
Le 16 juin 1222, il fit acte d'allégeance au Roi et lui demanda d'intervenir auprès de l'église pour qu'elle lui reconnut enfin ses droits.

Mais Philippe-Auguste récusa sa requête.

Raymond VII vint alors en Provence pour soutenir le zèle de ses partisans.
A son retour, son père était mort !
Excommunié, il n'avait pas droit d'être enseveli en terre consacrée.
Raymond VII passera les vingt-cinq années suivantes à faire des démarches vaines pour obtenir son pardon.

L'avènement de Raymond VII eût lieu le 21 septembre 1222 tandis qu'Amaury s'était réfugié à Carcassonne.
  Tous deux attendaient (en vain ?) l'arbitrage du Roi de France...
Pendant ce temps là, Raymond-Roger de Foix achevait la reconquête de ses domaines.
Il mourut en mars 1223 avant la capitulation de la ville de Mirepoix qu'il assiégeait laissant à son fils, Roger-Bernard, un domaine agrandi.

Les acteurs principaux de cette tragédie s'étant éclipsés discrètement les uns après les autres, il restait à leurs fils respectifs le douloureux honneur de la conclure.
On se battait depuis 1209 en Occitanie et ceux qui avaient dix ans à cette époque étaient à présent des hommes.

Avec Raymond VII, une apparente liberté réapparaissait car un peuple entier avait concouru à sa libération dans un élan d'enthousiasme dont il est peu d'exemple.

La mort de Philippe Auguste (14/07/1223) et l'avènement de Louis VIII (plus favorable à l'église) provoqua un moment des craintes du côté occitan.

Mais les maigres subsides envoyés par le nouveau Roi et par Arnaud Amalric à Amaury ne lui permirent pas de continuer la lutte.
Il conclut donc un accord avec Raymond VII et Roger-Bernard le 14 janvier 1224 avant de repartir se réfugier en France.
Le 16 janvier, Raymond Trencavel fut installé à Carcassonne par le Comte de Foix et se reconnu vassal non pas du Roi d'Aragon mais de Raymond VII.

Le Languedoc avait donc provisoirement retrouvé son indépendance.
 Mais dans l'ombre, Honnorius III marchait dans les pas d'Innocent III et cherchait la perte de Raymond.
 De plus, le retour pitoyable d'Amaury aiguisait l'appétit de Louis VIII.

5) L'intervention royale (1224-1271)

Le Roi n'avait pas attendu la renonciation d'Amaury pour décider de conquérir le Languedoc.
Il accepta de repartir en "croisade" en Albigeois mais en posant des conditions incontournables :
- Désignation des archevêques de Bourges, Reims et Sens comme de véritables légats du Pape ayant les pleins pouvoirs.
- Prorogation de la trêve avec le Roi d'Angleterre de dix ans.
- Confiscation du Comté de Toulouse et de ses annexes à son profit et à celui de ses héritiers.
- Contribution de 60 000 livres parisis par an et pour dix années.
- Accord avec l'Empereur pour que le Marquisat de Provence ne subisse aucun préjudices de la part de ses états voisins.

Ultimatum que le Pape ne pouvait accepter en bloc !

Si les conditions pécuniaires semblaient normales, Honnorius ne pouvait accepter que le Roi dispose au travers de ses évêques d'un pouvoir spirituel équivalent au sien lui permettant d'excommunier qui bon lui semblait.

Il refusa sous prétexte que la croisade en Terre Sainte projetée par l'Empereur Frédéric II primait sur celle contre les albigeois.
Il demanda cependant au Roi de faire pression sur Raymond VII afin que celui ci tienne ses promesses envers l'église.

Dans le même temps, Raymond VII tenta une fois de plus de se réconcilier avec le Saint Siège.
Sa requête fut accueilli plutôt favorablement car le Pape préférait en fin de compte la réconciliation à l'appropriation par le Roi du Comté.

Par un serment le 25 août 1224, un accord fut conclu.

Louis VIII n'appréciât guère la chose et envoya une ambassade à Rome pour exprimer son mécontentement.
Cruel dilemme pour Honnorius :
 Accorder la réconciliation, c'était risquer de voir resurgir l'hérésie.  
  La refuser, c'était donner carte blanche à Louis VIII en Occitanie.
Il réserva donc sa réponse et l'affaire traîna durant de long mois...

 

Un nouveau concile fut convoqué le 29 novembre 1225 sous la présidence du Cardinal de Saint-Ange, nouveau légat du Pape, pour juger Raymond VII.
Le 28 janvier 1226, loin d'être absout, il fut à nouveau excommunié et le Comté et ses dépendances fut attribué au Roi et à ses successeurs à titre perpétuel.

Amaury de Montfort reçut la promesse d'être nommé connétable en échange d'un héritage qu'il n'avait pas su garder.
Raymond VII conserverait néanmoins le Marquisat de Provence.

Désormais rien n'empêchait plus le Roi de conquérir légalement et pieusement le Languedoc puisque Raymond VII n'était plus qu'un prince déchu.

Raymond VII résista tant qu'il pu face aux armées royales mais perdit l'une après l'autre toutes ses possessions.
Quand Louis VIII meurt le 8 novembre 1226, il ne possédait plus que Toulouse, Limoux et le Razès.
Cette disparition subite le sauva d'une défaite totale et lui permit de reprendre provisoirement l'offensive et d'avoir même quelques succès.

Le 12 avril 1229, Raymond VII signa un traité à Paris par lequel il perdait la moitié de son héritage, cédait au Roi en pleine propriété les quatre vicomtés Trencavel, le Duché de Narbonne et le Marquisat de Provence.
Le Roi lui laissait en usufruit un Comté de Toulouse (réduit aux dimensions d'un diocèse et amputé de Mirepoix), l'Agenais, le Rouergue, L'albigeois en deçà du Tarn et le Quercy (sauf Cahors).
Ses héritiers étaient exclus de la succession à l'exception de sa fille Jeanne qui épouserait un des frères de Louis IX.
Si celle ci décédait sans enfant, le "Comté" reviendrait directement à la Couronne...

De plus, la plupart de ses forteresses étaient démantelées, il devait entretenir des garnisons royales dans celles qui restaient (dont Toulouse ) durant dix ans et payer une indemnité de 27000 marcs d'argent sur quatre ans.

Raymond VII tenta bien quelque fois encore de se révolter mais sans succès hélas.
Il ne put empêcher le mariage de sa fille Jeanne avec Alphonse, frère de Louis IX et futur comte de Poitiers en 1241.

Après Montségur, il obtint (enfin !) la levée de son excommunication et reprit en main le gouvernement de son "Comté" redevenant très partiellement indépendant.
Il multiplia les démarches pour se remarier et tenter d'avoir un héritier mâle, espérant ainsi pouvoir briser le traité de Paris, mais sans succès.

N'ayant protégé les cathares que dans le sens où leur cause se confondait avec celle de l'indépendance occitane, il coopéra alors avec l'église et était sur le point de rejoindre la 7ème Croisade quand il mourut le 27 septembre 1249.

Cette date marque la fin de l'Etat occitan car Blanche de Castille prit possession au nom de Jeanne de Toulouse, sa belle fille, du Comté sans qu'aucune opposition se fasse entendre.

Le rattachement politique ne se fera réellement qu'en 1271 à la mort de Jeanne mais déjà tout était joué...

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